Quelques jours se sont écoulés depuis qu'Izia a vu mourir sur ses yeux son père, tué par un tiers. Elle s'est réfugiée dans son appartement pendant trois jours, les yeux rougis par les larmes et le cœur brisé, avant qu'elle ne trouve la force d'envoyer un message à Artémis, Arès et Markus, tentant de les rassurer sur son silence soudain et leur expliquant qu'elle leur donnerait toutes les explications possibles quand elle serait en mesure de mettre un mot derrière l'autre à l'oral sans que sa gorge ne se serre, et que s'ils la cherchaient, ils pourraient la trouver à son appartement.

Pendant trois jours, Izia a pleuré, toutes les larmes de son corps : non seulement son père avait été tué sous ses yeux, mais en plus il n'en restait rien. Son assassin a pris la peine de se débarrasser du corps de sa victime, la fille de l'ombre ne peut même pas enterrer son père et se recueillir de temps en temps sur sa tombe... Après trois jours, cependant, elle a fini par reprendre un peu ses esprits, se dirigeant vers le désormais ancien appartement de son père ; à défaut de pouvoir l'enterrer, elle peut peut-être récupérer des papiers, des souvenirs pour qu'il puisse continuer à vivre d'une certaine façon...

La police, encore sur place pour l'enquête, la laisse entrer quand elle se présente, et elle se dirige un peu mécaniquement vers le bureau de son père. Parfaitement rangé, sa petite bibliothèque personnelle couvrant le mur ne semble pas avoir subi le passage du temps ; Arthur Singer avait déjà cet appartement quand il s'est séparé de la mère de sa fille, il y a un peu plus de vingt ans, et Izia y passait déjà de temps en temps après le décès de sa mère. Une vague de nostalgie la prend alors, et elle doit lutter quelques secondes pour ne pas s'effondrer sur le sol du bureau, avant de se diriger vers le placard où son père avait l'habitude de ranger ses papiers.

Au milieu des factures réglées, rangées par ordre chronologique, Izia sent sous sa main une texture proche du cuir, appartenant à un carnet où elle trouve de nombreuses pages rédigées de façon manuscrite à son intention. Intriguée, la jeune femme décide de ramasser tous les papiers et de rentrer à son appartement pour faire le tri tranquillement, saluant les policiers en partant avant de se dépêcher de rentrer pour ne pas se prendre la pluie.

Une fois rentrée, Izia se met en mode "maison" - jogging et veste chaude - avant de s'installer sur son lit et de commencer à lire le carnet de son père...
   

Ma chérie,

Voilà deux ans que tu as rejoint le Camp Jupiter. Tu es venue m'annoncer il y a quelques jours que tu comptais t'en aller après les deux ans réglementaires ; si ça ne m'a pas spécialement fait plaisir, comme tu t'en doutes, je sais pourquoi tu veux partir et comme je te l'ai dit, je ne t'en empêcherai pas.

Pendant tes deux ans, tu es restée solitaire. Bien sûr, tu venais me voir quand tu en avais l'occasion - et les occasions étaient nombreuses - mais voir ton père ne suffit pas toujours à effacer la peine qui nous touche. Personne, de ce que j'ai pu constater, n'est venu ne serait-ce que tenter de te réconforter, alors que tu aurais eu besoin de tout le soutien nécessaire pour faire ton deuil correctement. J'espère quand même avoir pu t'aider à ce moment-là...

Ta mère me manque énormément, autant qu'elle doit te manquer. Mais je suis sûr que, là où elle est, elle est fière de ce que tu as accompli jusqu'à maintenant et qu'elle comprendrait ton choix de quitter la Légion avec honneur. Et je crois aussi qu'elle serait inquiète de savoir que tu vas tenter des études mortelles, à l'extérieur, tout comme moi je le suis.

Je ne suis que ton père, Izia, mais j'espère que tu comprendras que je puisse m'inquiéter malgré le fait que j'aie accepté ton souhait de partir. Je t'aiderai de mon mieux pour que ta sécurité soit assurée, même si tu ne le vois pas. En tout cas, quoi que tu décides et tant que tu continues à écrire à ton vieux père, je serai avec toi.

Je t'aime,

Papa
 

Mon ange,

Déjà, bravo pour ton inscription à la fac de Columbia en parcours de psychologie. Je sais que les cours viennent à peine de commencer, mais je suis heureux de voir que les économies qu'on t'a laissées avec ta mère servent à quelque chose d'utile, et je suis certain qu'elle est fière de te voir tenter une vie à peu près normale malgré ton statut de demi-déesse.

Cependant, il y a quelque chose qui m'inquiète : tu sais qu'en juillet, il y a un certain nombre de demi-dieux qui ont pris l'Olympe d'assaut... Je sais ta rancœur vis-à-vis des dieux, et je la comprends, mais je me permets quand même de te mettre en garde. Certes, la situation a été réglée assez vite grâce à la présence d'esprit d'Athéna qui a proposé le pacte, mais... Je ne suis pas serein. Je ne suis pas enfant d'Apollon donc je n'ai pas de quoi avoir des visions de l'avenir, mais je fais confiance à mon instinct, je crains que la paix signée en juillet ne soit pas tenable. Et je ne saurais pas t'expliquer pourquoi.

On s'est toujours tout dit, toi et moi, et c'est quelque chose qui m'est tout aussi précieux que ta présence à mes côtés, même si tu vis ta vie d'étudiante dans le monde mortel. Je t'ai promis de tout te dire, et c'est ce que je fais : je ne suis pas serein pour la suite. Et je ne sais pas pourquoi.

Quoi qu'il en soit, ma puce, comme toujours je veille sur toi, et j'espère que ton année se passera bien.

On se revoit à Noël !

Je t'aime,

Papa
 

Izia prend le temps de parcourir les pages du carnet, sentant de nouveau ses yeux s'embuer en les lisant. Même s'ils avaient une relation épistolaire plus que régulière, son père lui écrivait tout le temps, signe de l'amour et de l'attention qu'il avait pour elle. Désormais, elle va devoir composer sans lui, sans ce repère immuable depuis une trentaine d'années, et ça lui fait mal.

C'est alors qu'elle entend qu'on toque à sa porte ; c'est Arès qui s'est précipité jusqu'à chez elle après avoir reçu le message, et l'espace de quelques instants, elle oublie le carnet le temps de pleurer toutes les larmes de son corps, avant de le reprendre et de continuer à le feuilleter. Il y avait d'autres pages blanches derrière, mais entre deux, une carte de visite au nom d'un notaire dont Izia ignore complètement l'existence. Il y a une adresse, un mail et un numéro de téléphone, elle s'en occupera plus tard... Quand elle se sentirait prête.