Adam n’a jamais considéré sa dolokinésie comme étant un cadeau. Une malédiction plutôt ouais … Il détestait le regard qu'on portait sur lui, alors qu’il n’arrivait même plus à ressentir la douleur. La télékinésie, par contre. C’est autre chose. Une extension de son être, un pouvoir fort utile, jalousé. Adam l’apprécie, il s’en sert très régulièrement, d’une façon presque mécanique. L’enfant de Mars a toujours été assidu en ce qui concerne l’exercice de sa force psychique. Cela explique qu’il ait été capable de soulever de lourdes charges, très tôt. Aujourd’hui Adam, excelle dans sa maîtrise. S’il peut soulever un petit camion, il peut également manipuler plusieurs objets en même temps. Adam se considère comme chanceux dans le développement de son don, alors oui, quand il a vu que sa dolokinésie aussi, s’améliorait, il en a été ravi. Retrouver la douleur a été une joie et Adam s’est attelé très tôt à développer son contrôle. Les ondes télékinétiques par contre …

Arrivées il y a un mois, elles se sont manifestées sous le coup de la colère et Adam pour l’admettre, ne s’y attendait pas. Il sait pourtant que les dons se développent, il sait que ses capacités augmentent, mais de là à donner une nouvelle forme à sa force psychique … Non. Il n’était pas prêt. Alors oui, les ondes, c’est cool, c’est pratique. Mais ce n’est pas du tout contrôlable. C’est même dangereux. A une époque, il aurait sûrement jubilé, mais là, il a manqué de mourir en subissant les effets secondaires de son pouvoir. La première fois, c’était fin février. Lorsqu’il s’est battu contre cette enfant d’Arès. Il n’était qu’à moitié conscient. La seconde fois, c’était il y a quelques semaines, sous un excès de colère. La dernière, c’était la veille, encore au proie à son impulsivité. Ce qu’il a compris, c’est que les ondes sont étroitement liées à ses émotions. Bon, comme tous les pouvoirs des demi-dieux … Mais les ondes, il n’arrive à faire appel à elles, qu’à travers la rage et le problème, c’est qu’il est rarement maître de cette colère ...

Le problème majeur – outre les meubles qu’il a détruit alors qu'il vient tout juste d'emménager – c’est que dans un tel état, il ne pourra pas accueillir son enfant. Un autre problème également, c’est qu’il doit prendre l’avion, prochainement, pour se rendre à Rome et comme il a la phobie des avions, il a peur d’imploser une fois dans les airs. Alors oui, s’il avait été prudent, il aurait annulé ce voyage, le fait est qu’il ne peut pas. C’est un voyage d’affaire, c’est important. Ainsi donc, Adam a cherché à comprendre comment fonctionne son pouvoir. Il a compris que le mouvement de ses mains, dans un excès de colère, servait de canalisateur. Et que si les mains ne se présentent pas, c’est son crâne qui fait office de canalisateur … Quand il a perdu une deuxième fois connaissance, seul chez lui cette fois, Adam a compris qu’il devait faire quelque chose. Trouver un canalisateur, un objet extérieur qui lui permette de garder le contrôle. Il en a commandé un, sur internet. Une jolie merde ! Le canalisateur n’a pas servi à grand-chose, tout ce qu’il a perdu, c’est du temps et de l’argent.

Adam a eu plusieurs idées. Il est bien informé, on lui a donné de bonnes adresses et pourtant, c’est vers un vieil ami qu’il a décidé de se diriger. Benjamin Dubois. Un demi-dieu qui selon ses souvenirs, était lui aussi en proie à des pouvoirs liés au mouvement de ses mains. Adam se souvient des gants que l’enfant de Bacchus portait, lorsqu’ils grandissaient ensemble, au camp Jupiter. C’est la raison pour laquelle il s’est dirigé au collège de Brooklyn, légèrement éloigné de l’entrée, pour ne pas croiser sa filleule. Il a attendu, de longues heures, incapable de se présenter – bien conscient qu’il finirait par attirer la foudre de son beau-frère. Ce n’est qu’à l’instant où il voit Benjamin sortir de l’établissement, un large sourire aux lèvres, qu’il décide de baisser sa vite, glissant ses doigts au niveau de sa langue pour siffler un bon coup. Lorsqu’il est certain d’avoir capté son attention, il agite vaguement la main et crie.

« - Hey ! Ramène-toi. Faut qu’on cause.»

Le collège de Brooklyn ne représente qu’une infime partie du travail de Benjamin. A dire vrai, Ben a toujours apprécié les enfants, il a toujours aimé les voir grandir et les aider dans leur développement. S’occuper de l’option de théâtre représente pour lui une certaine chance. C’est l’occasion pour le comédien de perfectionner son art, mais aussi de le transmettre et d’inciter la jeunesse à s’intéresser à la littérature. Surtout au théâtre. Les heures au collège sont assez dispersées dans son emploi du temps, mais elles ne compromettent en rien son rôle de centurion au camp jupiter. A dire vrai, Benjamin s’est arrangé avec ses légionnaires et généralement, lorsqu’il est absent, ce sont eux qui font tourner la cohorte. Avec son frère, bien entendu. Benjamin a toujours aimé déléguer, laisser aux autres une importance égale à la sienne. Il n’y a pas de hiérarchie au sens propre chez les Telis, ou du moins, ce n’est pas ce que lui laisse paraître. Lorsqu’il sort du collège, un sourire sur le visage, satisfait du déroulement de son cours, un sifflement attire son attention. Il détourne le visage, un peu convaincu à l’idée que ça soit à lui qu’on s’adresse. Finalement, lorsque ses yeux se déposent sur la silhouette d’Adam – ou plutôt sa voiture – il se raidit et change de direction.

Benjamin n’a jamais rien eu contre Adam. Frère de Ash, donc frère adoptif de son propre fraternel, il l’a toujours accepté au sein de la fratrie malgré les antécédents du garçon. Il faut dire qu’à l’époque, Adam était sacrément plus sympathique. Il n’a jamais été un bon vivant, mais Benjamin se souvient du garçon qu’il était et qui a grandi avec Ash. Deux hommes si proches pourtant, bien différents. Benjamin n’est pas effrayé lorsqu’il se rapproche de la voiture. Il est légèrement surpris que l’homme s’intéresse à lui. Enfin, c’est ce qu’il espère. Car les actions de Monsieur King sont connues au camp et Benjamin n’apprécie pas tellement l’idée que l’enfant de Mars se soit déplacé, encore une fois, pour menacer l’une de ses étudiantes. Pire encore, l’une de ses légionnaires. Alors l’archer se rapproche de la voiture, glissant un coup d’œil à l’intérieur du véhicule pour s’assurer que le garçon n’y cache aucune arme. Quand il est assez près, Benjamin s’arrête et croise les bras, glissant ses mains gantées au niveau de ses hanches.

« - Bonjour. » Il lève l’index, d’un mouvement professoral. « On dit bonjour avant de réclamer quoi que ce soit Adam. »

Il fronce les sourcils et balaie la zone du regard.

« - Ecoute, je doute que tu aies de la famille ici, alors je vais te demander de bien vouloir partir ... »

Sa voix est étonnamment douce tout comme l’expression qu’il dessine avec soin sur son visage. Il sait l’enfant de Mars susceptible et il connaît également son impulsivité. Il n’a aucune envie de l’inciter à rentrer, encore moins à prendre les armes. Toutefois, s’ils doivent discuter, ils ne le feront certainement pas ici.

Adam n’est pas idiot. Il voit bien à l'expression du centurion que sa présence n’est pas la bienvenue. Étonnamment d'ailleurs, cela ne l’amuse pas. Pourtant il est le premier à jouir du malaise d'autrui, mais pas cette fois. Adam sait qu’il a besoin de son aide et l’idée même de courber l’échine lui déplaît. Ainsi donc il ne sourit pas devant ce visage étonnamment sérieux pour un homme dont le sourire est légendaire. Il le laisse s’approcher, les yeux rivés sur les siens. Lorsqu’il s’approche, le sermonnant sur sa façon de saluer les siens, Adam roule des yeux. Puérilement il soupire, attendant que l’enseignant termine sa leçon. Il tapote de ses doigts le bord de sa fenêtre et le gratifie d’un sourire narquois.

« - C’est bon, t’as fini ? » Il s’éclaircit la gorge. « - Rassure toi je ne passe pas pour tes élèves, c’est toi que je suis venu voir. J’ai ... »

Il balaie la place du regard, accompagnant le mouvement des yeux de son aîné. Sa mâchoire se contracte et il arque un sourcil, peinant clairement à demander de l’aide. Benjamin est centurion au camp, il n'est peut-être pas le mieux placé pour lui apporter de l'aide. Adam le sait. Mais le temps presse, ses pouvoirs l'effraient et il a conscience que prendre l'avion alors qu'il peut imploser à tout moment, n'est pas une idée qui relève du génie. Le problème c'est qu'il n'a pas tellement envie de se priver du vivre l'enfant de mars, alors si Benjamin peut régler son problème de suite, il accepte de prendre le risque. Enfin, tous les autres risques.  

« - J’ai besoin de ton aide pour trouver un objet »

Sa voix s’éteint doucement et il détourne les yeux, un peu honteux. Son regard reste froid, l’avertissant que la moindre moquerie sera sévèrement réprimandée. D’un mouvement de la tête, il l’invite toutefois à rejoindre la place passager.

« - Très bien, si tu ne veux pas qu’on reste ici monte. »

Pour l’inciter à monter dans le véhicule Adam entreprend déjà à fermer sa fenêtre. Il l’arrête, à mi-parcours et vient darder son regard arctique dans celui du centurion. D’une voix froide et d’un air narquois, il se force à reprendre.

« - Sachant bien sûr que si tu ne montes pas, je descends l’ensemble des étudiants qui ne sont pas en cours. Pigé ? »

La fenêtre monte, masquant doucement son regard froid.