THE HANGING TREE

18 ans plus tôt, hôpital de New York.

Gabriel se trouvait dans sa chambre, toujours plongé dans son mutisme. Papa était mort. Il ne reviendrait jamais… fini les soirées films du vendredi soir. Terminées les sorties ensemble. Il aimerait le revoir, pouvoir lui dire au revoir proprement. Lui avouer que malgré leurs échanges parfois houleux – comme pour tout adolescent en réalité – il ne le détestait pas. Bien au contraire. Il aimait toute sa famille. Il ne pensait pas ses mots, quand il leur hurlait qu’il serait mieux seul ! Il aimerait retourner à leurs dernières heures, à Disney World, pour supplier ses parents de ne pas reprendre la route ce soir. De passer juste une dernière soirée à l’hôtel, à regarder leurs photos, même celle où il vomissait après avoir fait le Space Mountain, tandis que sa belle-mère riait derrière lui. Pas méchamment, mais simplement avec cet air qui montrait qu’elle l’avait pourtant prévenu. Il n’aurait pas dû manger trois gaufres, un hot-dog XXL et une glace avant de monter là-dedans. Oui, même cet épisode lui manquait maintenant… Pourtant, cet épisode n’était pas celui qu’il aimerait changer de A à Z.

— Gabriel…

Surpris, l’adolescent relevait son visage pour se retrouver face à son père. Il se tenait là, au pied de son lit, avec ce t-shirt ridicule. Celui avec un kiwi en plein centre. Pas le fruit hein, l’espèce de piaf bizarre venu de Nouvelle-Zélande. Un souvenir de son voyage là-bas, des années avant sa naissance. Est-ce que Gabriel devenait… zinzin ? Son père était le mortel le plus mort que l’on puisse imaginer. Il ne pouvait pas se sentir en joie de le trouver là, mais juste excessivement inquiet pour sa propre santé mentale.

— Papa… ? soufflait-il, la gorge nouée en étudiant cet homme.

Il ne put se résoudre à se lever, à tenter de l’étreindre. La réalité le frapperait autrement, concernant le fait que tout cela n’était qu’une illusion de son esprit malade, ou de son deuil. Il ne manquerait pas alors d’être furieux contre lui. En rage d’avoir été berné par son esprit. Dehors, la grêle s’intensifia, comme pour se calquer avec son humeur. Son père le regardait, le visage triste. Il approcha sa main de la joue de Gabriel, qui sentit un vent frais, un courant d’air quasi inexistant, en train de frôler sa peau. Une preuve de plus de l’inexistence de l’homme.

— Ne laisse pas ce poids sur ton cœur. Rien de tout cela n’est ta faute. Nous allons bien. Nous sommes heureux. Nous veillons sur toi, comme avant et comme pour le reste de ton existence.

Alors il se mit à y croire. À se dire que, d’une façon ou d’une autre, ses parents ne pouvaient pas être morts. Il ne s’étonna même pas quand, assis contre lui, son père lui montra une chenille en train d’évoluer sur son doigt. Comment un tel insecte pouvait être arrivé ici pourtant ? Surtout quand papa ne bougea pas ?

— Où est maman ? finissait par demander Gabriel, alors qu’ils regardaient ensemble un dessin animé.

Armé d’un gros calibre, Coyote coursait Bip-Bip pour échouer. L’oiseau lui échappait et il finissait par choisir la dynamite, plus efficace mais qui lui explosa à la tronche.

— En train de faire les boutiques. Elle a vu cette espèce de girouette en ville, elle veut absolument te l’offrir, pour quand tu iras à la colonie.
— Quelle colonie ? Papa ! Je ne suis plus un bébé ! Je ne vais pas aller en camp de vacances ! piaffait l’adolescent, avant que la douleur de sa jambe brisée ne se réveille.

Cet instant suffit à détourner son attention et, quand il relevait la tête, la chambre était désespérément vide. Pourtant, il jurerait avoir entendu son père lui clamer qu’il comprendrait bien assez vite. Que tout ferait bientôt sens.

To be continued…

Codage par Libella sur Graphiorum